L'IDÉAL DE L'UNITÉ HUMAINE



TABLE DES MATIÈRES:

Première Partie:

1. La Tendance à l'Unité, sa Nécessité et ses Dangers
2. L'Imperfection des Agrégats Passés
3. Le Groupe et L'Individu
4. L'Insuffisance de l'Idée d'État
5. Nation et Empire, Unités Réelles et Unités Politiques
6. Méthodes d'Empire, Anciennes et Modernes
7. La Création d'une Nation Hétérogène
8. Le Problème d'un Empire Fédéré Hetérogène
9. La Possibilité d'un Empire Mondial
10. Les États-Unis d'Europe
11. Les Petites Unités Libres et l'Unité Supérierue Centralisée
12. L'Ancien Cycle Pré-national de Formation des Empires, le Cycle Moderne de Formation des nations
13. La Formation de l'Unité Nationale, les Trois Étapes
14. Possibilité d'un Début d'Unité Internationale, ses Énormes Difficultés
15. Quelques Possibilités de Réalisation
16. Le Problème de l'Uniformité et de la Liberté

Deuxième Partie:

17. La Loi de la Nature dans notre Progrès, L'Unité dans la Diviersié, la Loi et la Liberté
18. La Solution Idéale, un Libre Groupement de l'Humanité
19. La Poussée à la Centralisation et à l'Uniformité, l'Administration et la Direction des Affaires Étrangères
20. La Poussée à la Centralisation Économique
21. La Poussée à la Centralisation et à l'Uniformité Législatives et Sociales
22. Union Mondiale ou État Mondial
23. Formes de Gouvernement
24. Nécessité d'une Unification Militaire
25. La Guerre et le Besoin d'Unité Économique
26. Le Besoin d'Unité Administrative
27. Le Péril d'un État Mondial
28. La Diversité dans L'Unité
29. L'Idée d'une Ligue des Nations
30. Le Principe de Libre Confédération
31. Les conditions d'une Union Mondiale Libre
32. L'Internationalisme
33. L'Internationalisme et l'Unité Humaine
34. La Religion de l'Humanité
35. Résumé et Conclusion
36. Postface


 

La Tendance à l'Unité, sa Nécessité et ses Dangers (Excerpt)

 

La surface de la vie est facile à comprendre ; ses lois, ses mouvements caractéristiques, son utilité pratique sont à notre portée et nous pouvons assez facilement et rapidement les saisir pour en tirer parti. Mais cela ne nous mène pas très loin. C'est suffisant pour la vie active et superficielle au jour le jour, mais non pour résoudre les grands problèmes de l'existence. Par contre, il nous est extrêmement difficile d'acquérir la connaissance des profondeurs de la vie, de ses secrets puissants et ses grandes lois cachées qui, en fait, déterminent tout. Nous n'avons pas trouvé le plomb qui sonde ces profondeurs-là ; elles nous apparaissent comme un mouvement vague et indéterminé, une obscurité profonde devant laquelle le mental recule volontiers pour jouer plutôt avec l'agitation, l'écume et les scintillements faciles de la surface. Pourtant, si nous voulions comprendre l'existence, ce sont ces profondeurs et leurs forces invisibles qu'il nous faudrait connaître. A la surface, nous trouvons seulement les lois secondaires de la Nature et des règles pratiques qui nous aident à surmonter les difficultés du moment et à organiser empiriquement, sans les comprendre, ses transitions continuelles.

Rien n'est plus obscur pour l'humanité, moins accessible à son entendement, que sa propre vie commune et collective, tant dans la force qui la meut que dans la perception du but vers lequel elle se meut. La sociologie ne nous aide pas ; elle nous donne seulement un récit général du passé et un énoncé des conditions extérieures dans lesquelles les communautés ont pu survivre. L'histoire ne nous enseigne rien ; c'est un torrent confus d'événements et de personnalités, un kaléidoscope d'institutions changeantes. Nous ne saisissons pas le sens vrai de tous ces changements et de ce flot continuel de vie humaine dans les artères du Temps. Ce que nous percevons, ce sont des phénomènes qui passent et repassent, des généralisations faciles, des idées partielles. Nous parlons de démocratie, aristocratie et autocratie, de collectivisme et d'individualisme, d'impérialisme et de nationalisme, de l'État et de la Commune, du capitalisme et du socialisme ; nous avançons des généralisations hâtives et fabriquons des systèmes absolus, proclamés péremptoirement aujourd'hui et abandonnés par force demain ; nous épousons des causes et des enthousiasmes, dont le triomphe se change vite en désenchantement, puis nous les laissons pour d'autres, peut-être ceux-là mêmes que nous avions eu tant de mal à abattre. Pendant un siècle entier, l'humanité a soif de liberté, se bat pour elle et la conquiert au prix amer d'un dur labeur et de larmes et de sang ; le siècle qui en jouit sans avoir lutté pour elle, s'en détourne comme d'une illusion puérile, prêt à renoncer à cet avantage déprécié si tel doit être le prix de quelque bien nouveau. Ceci vient de ce que notre pensée et notre action sont tout entières à fleur de peau, empiriques quand il s'agit de notre vie collective ; elles ne cherchent pas, elles ne se fondent pas sur une connaissance solide, profonde complète. La morale à tirer n'est point de la vanité de la vie humaine et de ses ardeurs, ses enthousiasmes ni des idéaux qu'elle poursuit, mais de la nécessité d'une recherche plus sage, plus large, plus patiente, pour trouver notre vraie loi et notre vrai but.

Aujourd'hui, l'idéal de l'unité humaine se fraye plus ou moins vaguement le chemin jusqu'au seuil de notre conscience. L'émergence d'un idéal dans la pensée humaine est toujours le signe d'une intention de la Nature, mais pas toujours d'une intention d'accomplir ; parfois, il indique seulement une tentative qui sera vouée à un échec temporaire. Car la Nature est lente et patiente en ses méthodes. Elle adopte des idées et les réalise à moitié, puis les laisse au bord du chemin pour les reprendre plus tard, en quelque autre ère, quelque concours de circonstances meilleur. Ayant imaginé une harmonie possible, elle tente son instrument pensant, l'humanité, et sonde jusqu'où l'espèce y est prête ; elle laisse l'homme essayer et échouer, elle l'y pousse même afin qu'il puisse apprendre et réussir une autre fois. Pourtant, si un idéal s'est frayé le chemin jusqu'au seuil de la pensée, c'est qu'il doit nécessairement être essayé, or il est probable que l'idéal de l'unité humaine figurera largement parmi les forces déterminantes de l'avenir ; en fait, les circonstances intellectuelles et matérielles de l'époque actuelle l'ont préparé et l'imposent presque, et surtout les découvertes scientifiques qui ont tant rapetissé notre terre que ses plus vastes royaumes apparaissent maintenant comme les simples provinces d'un seul pays.

Mais la commodité même des circonstances matérielles peut amener l'échec de l'idéal ; car, même si les circonstances matérielles favorisent un grand changement, on peut prédire un échec si le coeur et le mental de l'homme (et surtout le coeur) n'y sont pas réellement préparés ; à moins, bien entendu, que les hommes ne comprennent à temps et n'acceptent le changement intérieur en même temps que le rajustement extérieur. Mais à l'époque actuelle, l'intellect humain a été tellement mécanisé par la science matérielle que la révolution qu'il commence à envisager sera probablement entreprise surtout, ou même uniquement, par des moyens mécaniques: par des ajustements sociaux et politiques. Or, ce n'est pas par des systèmes sociaux et politiques, ou en tout cas pas uniquement ni principalement par eux, que l'unité de l'espèce humaine peut se réaliser d'une façon durable et fructueuse.

Il faut se souvenir qu'une unité sociale et politique plus vaste n'est pas nécessairement un bienfait en soi. Elle ne vaut d'être poursuivie que dans la mesure où elle fournit les moyens et le cadre d'une vie individuelle et collective meilleure, plus riche, plus heureuse et plus puissante. Mais jusqu'à présent, l'expérience de l'humanité n'a pas confirmé que d'énormes agrégats, étroitement unis et strictement organisés, fussent favorables à une vie humaine plus riche et plus puissante. Il semblerait plutôt que la vie collective soit davantage à son aise, plus bienveillante, plus variée et plus féconde, quand elle peut se concentrer en de petits espaces et en des organismes plus simples.

Si nous considérons le passé de l'humanité, pour autant qu'il nous soit connu, nous nous apercevons que les périodes intéressantes de la vie humaine, les scènes où elle a été le plus richement vécue et où elle a laissé derrière elle les fruits les plus précieux, sont précisément les époques, et les contrées, où l'humanité avait su s'organiser en de petits centres indépendants, étroitement mêlés l'un à l'autre mais non fondus en une unique unité. L'Europe moderne doit les deux tiers de sa civilisation à trois moments suprêmes de cette sorte dans l'histoire humaine : d'abord, la vie religieuse des tribus disparates qui s'étaient donné le nom d'Israël, et plus tard de la petite nation juive qui lui a succédé; puis la vie hétérogène des petites cités grecques ; enfin, la vie artistique et intellectuelle (similaire, quoique plus restreinte) de l'Italie médiévale. De même, aucune époque en Asie n'a été aussi riche en énergie, aussi digne d'être vécue, aussi productive de fruits meilleurs et plus durables, que la période héroïque où l'Inde était divisée en petits royaumes dont beaucoup n'étaient pas plus grands qu'une circonscription moderne. Les activités les plus merveilleuses, les travaux les plus vigoureux et les plus durables ­ ce que, s'il nous fallait choisir, nous conserverions volontiers en sacrifiant tout le reste ­ appartiennent à cette période. La seconde belle époque vint plus tard, avec des nations et des royaumes plus vastes mais encore relativement petits, comme ceux des Pallava, des Châloukya, des Pândya, des Chôla et des Chéra. L'Inde a reçu relativement peu de choses des grands empires qui se sont érigés et effondrés à l'intérieur de ses frontières ­ l'empire mogol, celui des Goupta, celui des Maurya ­, très peu de choses, en vérité, à part une organisation politique et administrative, quelques beaux-arts et une littérature agréables, quelques travaux durables (mais pas toujours de la meilleure qualité). Leur impulsion poussait à une organisation compliquée plutôt qu'originale et stimulante ou créatrice.

Cependant, le règne des petites cités ou des cultures régionales avait toujours un défaut qui obligeait à tendre vers de plus larges organismes. Ce défaut se caractérisait par la non-permanence, souvent le désordre, et surtout l'incapacité à se défendre devant l'assaut des organismes plus grands, aussi par une carence à répandre le bien-être matériel. C'est pourquoi, cette première forme de vie collective a eu tendance à disparaître et à céder la place à l'organisation des nations, des royaumes et des empires.

Nous remarquons donc, tout d'abord, que ce sont les groupements de petites nations qui ont eu la vie la plus intense et non les énormes États ni les empires colossaux. Il semble qu'une vie collective diffusée en de trop vastes espaces, perde de son intensité et de sa productivité. L'Europe a vécu en Angleterre, en France, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie, dans les petits États germaniques. C'est là, et non dans l'énorme masse du Saint-Empire romain germanique ni dans celle de l'Empire russe, que se sont élaborés toute sa civilisation et son progrès. Le même phénomène se révèle dans le domaine social et politique si nous comparons la vie et l'activité intenses de l'Europe avec ses nombreuses nations fructueusement entremêlées qui progressaient à pas vifs et créateurs, parfois par bonds, et celles des grandes masses asiatiques avec leurs longues périodes d'immobilité coupées de guerres et de révolutions qui semblaient être de petits épisodes temporaires et généralement stériles, leurs siècles de rêveries religieuses, philosophiques et artistiques, leur tendance grandissante à l'isolement, et finalement la stagnation de leur vie extérieure.

Nous remarquons, ensuite, que celles des organisations de royaumes ou de nations qui ont eu la vie la plus vigoureuse, le doivent à une sorte de concentration artificielle en une tête, un centre, une capitale : Londres, Paris, Rome. C'est par cet artifice que la Nature, tout en gagnant les avantages d'une organisation plus vaste et d'une unité plus parfaite, conserve dans une certaine mesure ce qu'elle avait acquis par son système plus primitif de cités et de royaumes minuscules, c'est-à-dire le pouvoir non moins précieux de concentration féconde dans un espace restreint et dans un étroit rassemblement d'activités. Mais cet avantage se paye de la condamnation du reste de l'organisme : provinces, petites villes et villages, voués à une vie terne, insignifiante et somnolente, qui contraste étrangement avec l'intensité de la vie de la métropole, l'urbs.

L'Empire romain est l'exemple historique de l'organisation d'une unité qui transcendait les limites de la nation ; les avantages et les inconvénients de cette organisation y sont aussi parfaitement illustrés. Les avantages se résument à une organisation admirable, à la paix, la sécurité générale, l'ordre et le bien-être matériel ; l'inconvénient apparaît quand l'individu, la cité et la région sacrifient l'indépendance de leur vie et deviennent les rouages d'une machine: la vie perd sa couleur, sa richesse, sa variété, sa liberté et sa victorieuse inspiration créatrice. L'organisation est grande et admirable, mais les individus dépérissent, sont écrasés, submergés, et finalement, avec le rapetissement et l'affaiblissement de l'individu, l'énorme organisation perd lentement, mais inévitablement, la vitalité même qui la faisait vivre : elle meurt de Stagnation grandissante. Même si, du dehors, elle paraît entière et intacte, la structure est pourrie, et au premier choc de l'extérieur, elle commence à craquer et se désagrège. Ces organisations, et ces périodes, ont une immense utilité de conservation ; ainsi, l'Empire romain a-t-il servi à consolider les gains des siècles féconds qui l'avaient précédé. Mais elles arrêtent la vie et la croissance.

Nous voyons donc ce qui se passerait probablement si, comme certains ont commencé à le rêver aujourd'hui, il se produisait une unification sociale, administrative et politique de l'humanité. Une formidable organisation deviendrait nécessaire, sous laquelle la vie individuelle et régionale seraient écrasées, rap etissées, privées de leur essentielle liberté, telle une plante qui n'aurait ni pluie, ni vent, ni soleil. Après, peut-être, une première explosion d'activité joyeuse et satisfaite, l'humanité entrerait dans une longue période de pure conservatisme, de stagnation croissante, et finalement de décadence.

Cependant, il est évident que l'unité de l'espèce humaine fait partie du plan final de la Nature et qu'elle doit se produire. Mais pour cela, d'autres condition sont nécessaires et des garanties qui garderaont intactes les racines de la vitalité de l'espèce et sa riche diversité dans l'unité.

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